« Il n’est jamais trop tard pour agir. » C’est avec ces mots empreints de détermination que le Docteur Denis Mukwege a marqué le 12ᵉ anniversaire de l’Accord-Cadre d’Addis-Abeba. Le prix Nobel de la paix a une fois de plus lancé un appel pressant pour une mise en œuvre rigoureuse de cet accord, qu’il considère comme une véritable clé pour la stabilisation de la République Démocratique du Congo (RDC). Face aux menaces persistantes qui pèsent sur la souveraineté du pays, il exhorte également la communauté internationale à adopter des sanctions fermes contre les responsables de violations du droit international qui sapent la paix et la sécurité dans la région.
Une menace existentielle sans précédent
La situation en RDC demeure alarmante. « Notre pays est confronté à une menace existentielle d’une ampleur inédite », a alerté Denis Mukwege. Il dénonce avec force la persistance des agressions rwandaises et l’occupation illégale de certaines parties du territoire congolais depuis plus de 25 ans. Ces actions, selon lui, s’apparentent à une annexion déguisée, menée en violation flagrante de la Charte des Nations Unies. Il pointe du doigt la mise en place d’administrations parallèles illégitimes, un phénomène qui ne cesse d’aggraver l’instabilité de la région.
L’Accord-Cadre d’Addis-Abeba : un pacte trahi ?
Signé le 24 février 2013 à Addis-Abeba, l’Accord-Cadre visait à instaurer une paix durable dans la région des Grands Lacs. Toutefois, douze ans plus tard, le constat est amer. Selon Denis Mukwege, les engagements pris à l’époque sont restés lettre morte. « L’espoir suscité par cet accord a été trahi », regrette-t-il, en identifiant trois causes majeures de cet échec :
Le manque de volonté politique des autorités congolaises ;
La mauvaise foi des États déstabilisateurs de la région ;
L’inaction des institutions garantes de l’accord.
Pendant ce temps, l’insécurité ne cesse de s’intensifier et la souveraineté congolaise est continuellement bafouée. Pour Denis Mukwege, il est impératif de rompre avec l’inaction et de redonner à cet accord toute sa portée.
Passer des discours aux actes
Face à l’escalade de la crise, Denis Mukwege plaide pour des actions concrètes et immédiates. Il exhorte la communauté internationale à prendre des mesures dissuasives et contraignantes afin d’arrêter la spirale de violences dans l’est de la RDC. Parmi ses principales recommandations :
Sanctionner les forces d’agression et d’occupation ;
Suspendre toute coopération militaire et sécuritaire avec les États impliqués dans l’instabilité ;
Appliquer strictement les engagements de l’Accord-Cadre, notamment en exigeant le retrait immédiat des troupes étrangères et du M23.
« La nation congolaise a le droit de disposer d’elle-même et de vivre en paix », insiste-t-il, soulignant l’urgence d’une mobilisation collective pour restaurer la souveraineté du pays. « L’histoire jugera ceux qui auront choisi de détourner le regard. »
Les engagements de l’Accord-Cadre : un cadre de référence pour la paix
L’Accord-Cadre d’Addis-Abeba repose sur trois piliers d’engagements :
- Engagements de la RDC
Réformer en profondeur le secteur de la sécurité, y compris l’armée et la police.
Restaurer l’autorité de l’État, notamment dans l’Est du pays, et prévenir toute déstabilisation par des groupes armés.
Accélérer la décentralisation et renforcer la gouvernance.
Promouvoir le développement économique et les infrastructures.
Réformer les institutions publiques, notamment en matière financière.
Encourager la réconciliation nationale, la tolérance et la démocratie.
- Engagements des pays de la région
Ne pas interférer dans les affaires intérieures des États voisins.
Ne pas tolérer ni soutenir les groupes armés.
Respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de chaque État.
Renforcer la coopération régionale, notamment sur l’exploitation des ressources naturelles.
Faciliter la coopération judiciaire et ne pas protéger les criminels de guerre.
- Engagements de la communauté internationale
Maintenir un soutien actif à la stabilisation de la RDC et de la région des Grands Lacs.
Mobiliser les ressources nécessaires pour assurer la mise en œuvre durable de l’Accord-Cadre.
Soutenir la revitalisation de la Communauté économique des pays des Grands Lacs (CEPGL).
Renforcer le mandat de la MONUSCO afin d’aider le gouvernement congolais à restaurer son autorité et à garantir la sécurité.
Nommer un Envoyé spécial des Nations Unies pour coordonner les efforts de stabilisation.
La mise en œuvre effective de ces engagements constitue, selon Denis Mukwege, la voie la plus crédible vers une paix durable en RDC. À travers son plaidoyer, il rappelle que la stabilité de la région repose sur l’implication de tous les acteurs concernés.
Un appel à l’action immédiate
Denis Mukwege conclut son intervention avec une mise en garde claire : l’inaction ne peut plus être tolérée. « Le peuple congolais ne peut plus se permettre d’attendre. Il est temps d’agir, avec détermination et courage, pour mettre un terme à des décennies de souffrances et d’instabilité. »
Alors que la RDC continue de faire face à des défis existentiels, la communauté internationale est appelée à prendre ses responsabilités et à traduire en actes les engagements pris il y a douze ans à Addis-Abeba.